Retour au tableau général

 

 

Le pourquoi du comment …

 

Quand on doit répondre à la question : pourquoi ?, on utilise le plus souvent la réponse : parce que

On donne alors La Réponse, une réponse unique qui met en relation la cause et l’effet. C’est une conclusion, une généralité, un résultat, une réponse déjà construite. Il faut donc la recevoir, l’admettre, la mémoriser telle quelle Parce que c’est La Réponse.

On n’est pas dans le domaine de la recherche ou de l’hypothèse mais dans celui de la certitude, de la règle, de la norme, de l’évidence

.

La question : Comment ?, apporte souvent la possibilité de réponses différentes, de causes et effets variables et donc conduit à émettre des hypothèses : si je fais comme cela, quand on fait comme ça …

Des comparaisons se forment, un raisonnement se construit.

La temporalité apportée par la question replace la réponse sur un chemin qui évoque des relations entre plusieurs possibles.

 

Quand Le Savoir est présenté comme une réponse, il est organisé comme une succession d’éléments distincts qui sont transmis au fur et à mesure du temps avec une logique de programmation et de progression.

 

Cela relève de la démarche Analytique, chère à Descartes : on décompose une situation en un certain nombre d’éléments constitutifs simples que l’on étudie séparément. Le Tout est égal à la somme de ses éléments. Cette approche systématique sera reprise en Sciences par Claude Bernard dans la démarche expérimentale.

Cette manière d’isoler les éléments et de traiter séparément les multiples paramètres élude l’importance des liens et de leur action . Les notions d’interdépendance ne sont pas prises en compte et la notion d’un tout complexe et organisé, la perception d’un réseau, d’un système est occultée. Or c’est pourtant cela qui donne sens à la situation et c’est ce qui fonde l’essence même du questionnement à bâtir.

 

La démarche systémique offre un regard qui relie au lieu de séparer.

 

Elle commence par la recherche d’informations. Les savoirs notionnels restent indispensables  mais il devient primordial de savoir les trier et de comprendre comment ils sont reliés.

 

Cela suppose chez la personne qui cherche : de la curiosité, l’envie de chercher, un sens critique construit et une bonne dose d’imagination et de confiance en soi.

 

Cette personne est dans l’action ; elle se questionne, elle cherche, elle essaie, discute, recommence et ses savoirs sont sans cesse en construction, en évolution. Le Savoir est alors perçu comme une mise en réseau de connaissances, de savoirs faire que l’on déplace, que l’on fait varier pour essayer de voir ce qui se passe, pour essayer de comprendre ce qui s’est passé et comment ça marche

 

Pour aider l’enfant à travailler avec un esprit d’ouverture, de mise en réseau, il est important de lui présenter des matériels ou de lui faire vivre des situations qui lui permettent de réaliser lui même des variations dans le système qu’il utilise. Des changements apportés par l’enfant le conduisent à constater les effets obtenus et à les intégrer comme une étape constitutive d’un nouveau savoir.

Dans un premier temps son action s’exerce essentiellement dans le concret parce qu’il ne peut pas intérioriser et abstraire ce qu’il ne peut pas concevoir.

 

La manipulation d’objets concrets est une étape qui restera nécessaire tant que l’enfant n’a pas encore perçu la pertinence du Tout, même s’il ne possède pas encore la connaissance de tous les éléments de ce Tout.

 

Il lui faut donc du temps ,des objets qui sont conçus pour l’aider à percevoir les éléments, leur nature, leur interdépendance, les variations qui s’opèrent,

et des échanges avec d’autres qui offriront de nouvelles hypothèses ou aideront à conforter les siennes.

Il se constituera ainsi une pertinence des éléments, une catégorisation, une nécessité de leur variabilité on non, et des effets obtenus. La logique propre au système pourra apparaître et les éléments seront alors compris et mémorisés.

 

Le rapport à la langue écrite se construit dès le plus jeune âge par l’écoute, l’utilisation et le feed-back de la langue orale utilisée dans la famille.

 

La désignation des éléments du monde est la base de la première mise en réseau.

 

Les critères utilisés, ou non, sont multiples et varient énormément d’une famille à l’autre. C’est dans ce registre que la grammaire implicite se fonde .La production langagière puis écrite de chaque enfant trouve ses racines dans ce terreau de base.

 

L’école apporte ensuite un complément qui enrichit et diversifie les désignations, les critères  et les stratégies utilisés. Mais elle travaille beaucoup sur le mode de la transmission. Elle nomme, désigne, donne des règles, fait faire des exercices d’application ou d’entraînement. La norme prévaut qui demande à chacun de rentrer dans un moule : apprendre tous au même moment la même chose de la même façon.

 

Le respect de la diversité des intérêts, de la capacité d’être et d’apprendre, des représentations initiales de chacun et de la construction de son projet scolaire,

suppose une pédagogie différente.

 

L’organisation du temps scolaire réalisée en fonction de situations d’expression, de productions, de communications, d’échanges offre à chacun des moyens de progresser à son rythme.

 

Le contrat scolaire, passé avec l’enfant, l’amène à choisir de participer à telle ou telle activité qui peut lui permettre de progresser là ou il a pu constater qu’il en a besoin. Ce constat réalisé lors d’une situation de production ou lors d’un échange ou d’un retour au groupe, le rend conscient d’un manque. Une situation d’analyse lui est donc proposée  dans laquelle il va agir sur les catégories qui lui font défaut. S’il s’agit de lui faire respecter une règle il faut d’abord s’assurer que cette règle a pour lui un caractère de pertinence.

 

La nécessité du sens d’un texte, quelle que soit sa longueur, et de l’organisation d’un mot sont les deux préalables indispensables à construire avant de passer à la compréhension de l’analyse de la phrase

.

En conjugaison l’enfant doit savoir se situer dans le temps et comprendre ce que recouvre la fonction du Verbe avant de passer à la conjugaison des différents temps.

Cela ne veut pas dire que ces savoirs sont différenciés dans le temps mais qu’ils se construisent l’un par l’autre et qu’on ne peut respecter une règle que quand on sait à quoi elle sert.

 

Les règles d’orthographe ou de conjugaison s’apparentent à des correspondances terme à terme qui ne laissent aucune place au choix ou à la subjectivité.

Ce sont des codes qu’il faut utiliser en acceptant les normes de la langue officielle.

Mais le système qui leur donne forme et sens, c’est à dire l’articulation de la langue orale et de la langue écrite, peut être perçu et compris quand on sait analyser une phrase dans son contexte. La règle d’orthographe prend alors un caractère d’utilité qui aide à la validation de son utilisation.

 

De même la construction de notions organisatrices et essentielles comme celles de : Singulier/Pluriel, Féminin/ Masculin ouvrent des pistes d’analyse et de relations qui donnent sens aux règles d’accord des noms ou des verbes.

 

Il faut donc donner du temps aux enfants pour leur permettre de comprendre l’utilité des règles .

 

On peut leur donner des tableaux d’aide et de réponses construites , leur donner des outils de variations de mots dans la phrase, de commutation ou de substitution  en restant dans l’objectif de la construction de la règle.

Ce n’est que quand ils seront capables de prendre du recul sur et avec la langue qu’ils pourront essayer de généraliser et de formaliser les règles. Une définition pourra alors être construite et elle sera comprise et mémorisée grâce au travail de construction et d’analyse préalable effectué par les enfants.

 

Les temps de production libres et d’expression libres sont le terrain le plus riche et le plus propice à la communication aux autres, à l’échange de savoirs, de démarches ,et à la reconnaissance par chacun de ce qu’il sait faire ou non

.

Ils servent aussi d’évaluation objective, régulière et de base à la recherche de

situations de remédiation.

 

Les outils d’analyse personnels :

 roues, tableaux, étiquettes, peuvent devenir des outils de création personnelle de par leur forme ou leur contenu : changement de critères ou de variables. Ils permettent de formaliser individuellement un rapport à l’analyse et à la règle qui ne passe habituellement que par des phrases dont la formulation et les critères restent très éloignés des enfants.

 

Leur création et leur fabrication par les enfants sont à la fois des temps de fabrication et d’analyse.

 

La relation entre ces deux fonctions permet une compréhension et une mémorisation des règles ou concepts utilisés, profondes et solides .

Elle permet aussi une approche différente de l’apprentissage .Elle favorise la recherche de critères et leur mise en relation. Elle crée une dynamique d’échanges et de mise en réseau des informations et des résultats obtenus.

Elle alimente un questionnement qui rebondit et se complète dans le temps.

La comparaison de ces outils fait émerger des notions qui s’alimentent et se complètent et la perception du système linguistique s’affine.

Le tableau général prend forme, les roues dialoguent, cheminent , se rencontrent ou s’opposent mais toutes concourent à aider l’enfant à avancer dans la construction de la langue.

 

Ces outils sont aussi la mémoire du cheminement de chaque enfant et de la classe.

Ils permettent de voir le trajet parcouru et ils servent de guides à ceux qui en ont besoin.

L’imagination et la création leur apportent formes et couleurs qui égaient le contenu et servent de repères.

 La fin d’année peut faire exploser les connaissances acquises sous formes de travaux en arts plastiques dont l’exposition permettra de relier sous forme d’affiches, de schémas, de mandalas, de roues, d’arbres  etc…

Toutes les acquisitions de l’année apparaissent: mise en réseau synthétique, visuelle et esthétique..

 

 

 

 F. Diuzet  février 2003

Retour au tableau général