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Compétence, Evaluation et Validation

 

Le problème de communication qui se pose dans les équipes d’enseignants, est souvent lié au fait qu’ils ne possèdent pas souvent le temps de construire ensemble une culture commune. Cela génère alors un grand nombre d’incompréhensions parce que les mots échangés ne possèdent pas le même sens pour tous.

Cela se retrouve également lors de la lecture des programmes et instructions officielles, qui ne construisent pas non plus cette culture commune. Ces instructions ne sont donc souvent pas  comprises de la même façon par les inspecteurs, les conseillers pédagogiques, les formateurs et les équipes d’enseignants…

 

Une compétence renvoie à la compréhension . Elle suppose que la personne soit capable d’utiliser les connaissances nécessaires et pertinentes, de les prendre en compte pour les utiliser dans des savoir-faire particuliers et de les justifier et expliciter.

La compétence demande à travailler  trois axes différents :

-         Les notions élémentaires ; les connaissances

-         Les savoir-faire , à partir de ces connaissances 

-         Les attitudes, de celui qui utilise ces savoir-faire et ces connaissances

La compétence demande donc du temps pour être construite parce qu’elle n’est pas seulement liée à la mémorisation dune ou plusieurs connaissances, à l’utilisation de ces  connaissances dans une situation donnée mais aussi à la personne et à son attitude par rapport à cette connaissance.

La compétence se traduit par une mise en mots, qui mettent à jour le rapport de cette personne à la situation qu’elle peut nommer, dont elle peut isoler les éléments et ensuite montrer comment et en quoi ils sont associés, combinés. Il y a donc prise de distance, construction d’un point de vue, et possibilité de passer à l’abstraction c'est-à-dire de sortir de la perception des éléments concrets pour construire une complexité, évoquée, sur la base de mises en relations choisies .

On pourrait dire que la Compétence s’appuie sur la possibilité de construire un Concept, dans le sens où celui-ci renvoie à la compréhension de l’organisation d’un Savoir, et non pas d’une connaissance isolée ou d’un savoir-faire particulier. 

 

On peut nommer à 5 ans les lettres de l’alphabet ( connaissance ) ; on peut retrouver à l’écrit deux mots identiques ou taper dans les mains un mot en scandant les syllabes ( savoir-faire ).

Cela ne veut pas dire pour autant que l’enfant de 5 ans a compris :

-         ce que c’est qu’une lettre : un élément graphique stable et pertinent du système alphabétique, qui permet par sa place et sa combinaison avec d’autres lettres de former un mot)

-         ce que c’est qu’une syllabe : un élément sonore, élément d’un mot, que l’on traduit à l’écrit par une combinaison particulière et singulière de lettres et qui permet par sa combinaison avec d’autres syllabes de produire des mots.

C’est quand on va donner la parole à l’élève que l’on va comprendre quelles sont vraiment ses compétences de compréhension de l’écrit. En GS il utilisera ,ou non, des mises en relations pour expliquer la lettre ou la syllabe quand il aura pris conscience de ce que c’est qu’un mot.

Le mot est l’unité de référence autour de laquelle les compétences peuvent se construire en GS. Pourquoi ?

Parce qu’un enfant non lecteur ne pense pas en mots et qu’un enfant qui ne s’intéresse pas à l’écrit en le reliant à sa production orale , c'est un enfant qui ne cherche pas encore à comprendre l’organisation du principe alphabétique .

Cela ne se réalise pas le plus souvent avant 5 ou 6 ans parce que c’est à ce moment là, du développement de sa pensée, que cet enfant commence à comprendre les mises en relation et qu’il cherche à construire du sens  dans l’écrit.

Les enfants ne sont pas capables de la même chose à n’importe quel âge. Le développement de la pensée de l’enfant n’est plus pris en compte en lien avec son rapport au savoir !

 

Il en est de même pour le nombre. Un jeune enfant peut répéter les mots de la suite numérique ( connaissance : information mémorisée ) sans en comprendre le sens. Il peut donner 5 jetons ( savoir-faire ) sans avoir compris le nombre.

Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas encore compris qu’un nombre est une représentation mentale pour décrire une quantité particulière, stable et singulière, quelle que soit la composition de ses éléments, et que cette quantité est en lien avec les autres nombres par une relation d’ordre particulière : chaque nombre de la suite numérique possède un élément  de plus par rapport au nombre  qui le précède , et un élément de moins par rapport à celui qu’il suit.

La construction du nombre passe donc par des compétences essentielles : comparer, situer dans  un ordre, percevoir la permanence d’une quantité et la conservation du nombre.

Les 7 piliers du socle commun renvoient à la notion de compétences

et prennent bien en compte les trois axes définis : connaissances, savoir- faire et attitudes.

Mais cela n’a jamais été clarifié et mis en lien et très souvent on trouve dans les programmations utilisées par les enseignants, des listes qui citent indifféremment les trois axes  sans les associer en complémentarité.

 

Cela pose alors la question des situations d’enseignement

et bien sur la question de ce que l’on appelle : les Evaluations .

Quand un enseignant privilégie les connaissances isolées, il a souvent recours à des situations de répétition à l’identique

et les enfants « répètent » des mots, des activités dont bien souvent ils ne pénètrent pas le sens. Mais ils obéissent …

Quand un enseignant privilégie les savoir faire, il demande de réaliser une correspondance terme à terme entre des éléments qu’il sélectionne.

Il y a le plus souvent un modèle à reproduire qui est fourni ou supposé connu par l’élève.

Cette situation est souvent utilisée parce qu’elle permet de montrer ce que l’enfant a fait. Et très souvent on en tire la conclusion qu’il sait faire … Mais est-ce qu’il a appris, compris ?

 

Il est difficile de construire une compétence

parce que cela fait appel à la prise en compte de l’attitude de la personne.

On prend souvent cette notion de l’attitude dans un sens qui place au centre  la notion de comportement . Cela permet alors d’expliquer en quoi l’attitude et donc le comportement de l’enfant, favorise ou non son apprentissage.

Cette position relève le plus souvent d’un constat qui n’est pas objectif parce qu’il relève d’une appréciation de l’enseignant : l’enfant  est, ou non, attentif ; calme ; travailleur etc

Cela permet aussi de renvoyer à l’élève la responsabilité de sa non progression…

Il est rare de voirconstaté l’attitude que suppose le développement de la pensée de l’enfant : il possède un esprit critique , une curiosité , une prise d’initiative !

Et pourtant c’est bien cela qui est au centre de la compétence à construire et c’est bien cela aussi qui se situe dans le socle commun de compétences, tel qu’il est défini par les Instructions officielles .

 

Le développement des compétences place l’élève dans des situations d’enseignement

qui sont  difficiles à construire et difficiles à gérer pour l’enseignant.

Elles sont difficiles à construire parce que le rapport au savoir n’est plus du même ordre : il peut être questionné, mis en doute, et il demande à être explicité et validé de manière qui laisse place à la demande de l’élève et pas seulement à la maitrise programmée de l’enseignant.

Elles sont difficiles à gérer parce qu’elle permettent la parole de l’élève, l’échange dans le groupe, la confrontation et l’écoute de points de vue différents. Ce qui situe le rôle et la place de l’enseignant dans celui de médiateur, d’organisateur de débats. C’est alors la prise de parole, sa conduite et son analyse qui deviennent nécessaires et que l’enseignant doit organiser .

Les enseignants ne sont pas formés à cela. Ils ne questionnent pas le savoir : ils l’apportent.

Ils ne donnent pas la parole pour le mettre en doute.

Et ils n’évaluent pas les compétences qui permettraient ce nouveau rapport au savoir .

Alors qu’en est-il de l’évaluation ?

 

Une grille d’évaluation permet de voir ce que l’évaluateur prend en compte et à quoi il attache de l’importance .

Elle permet de voir :

- s’il s’agit de lister des constats réalisés à un moment donné, dans un contexte donné, sur un élément particulier

( connaissance ? savoir-faire ? attitude ?).

-         s’il s’agit de valider quelque chose qui sera alors considéré comme acquis.

 

Et très souvent il y a confusion. On valide à partir d’un constat et pourtant un constat réalisé à un autre moment ou dans un autre contexte permettrait sans doute de voir un écart, un progrès, une différence de point de vue.

Et on valide le plus souvent ce qui relève d’une connaissance mémorisée ou d’une capacité à faire quelque chose qui a déjà été fait. On ne valide donc pas la compréhension, mais la mémorisation à l’identique, ou la reproduction de savoirs faire placés le plus souvent sur un support papier . Cela permet alors de communiquer, au regard de l’institution et des parents, le fait que le « Travail »  a été réalisé.

Car c’est bien à cela que servent souvent ce que l’on appelle les Evaluations : à montrer que le travail a été fait, que les élèves ont réalisé des activités . On en tire des conclusions en termes de connaissance ou de savoir-faire mais rarement en terme de compétence, telle qu’elle a été définie plus haut.

On confond alors Compétences avec : capacités , savoir faire, connaissances et même parfois Objectifs.

Et on confond Evaluation avec Validation. Des évaluations basées sur des constats peuvent être réalisées à chaque séance , avec des objectifs clairs . Ces objectifs évoluent justement parce que les évaluations réalisées permettent de réajuster en fonction de ce qui a été Compris , et non pas de ce qui a été fait. Cela relève de la pédagogie…

Ce qui a été compris a été dit, discuté et cela a permis de voir ce qui fait obstacle, ce qui gêne la compréhension.

La validation n’interviendra qu’en fin d’année ,

 pour permettre à l’enseignant de communiquer ce qui a été atteint , ou non.

A qui communiquera-t-il cela ? Au collègue qui travaillera avec les élèves l’année suivante, parce que cela lui permet de voir où en est chacun et dans quel domaine de Compétences …

Aux parents ? Sous quelle forme ?

Cette question de la communication aux parents appelle à questionner les formes d’évaluation et les attentes et la pression qu’elles génèrent. La parole permet de construire, avec les parents aussi, une culture commune. Et c’est en travaillant sur la forme de communication à privilégier pour que les enfants soient des élèves sereins, respectés dans leur différences et dans leur progrès, que l’on en vient à construire ce que M. Peillon appelle l’école de la bienveillance : une école où l’estime de soi peut se construire parce que les constats ne sont pas formels, stigmatisants par rapport à une norme moyenne attendue qui ne respecte personne.

 

La relecture des programmes sur la base de la clarté de ce que recouvre ce terme de Compétences,

permettrait peut-être de mettre au clair une culture commune entre les enseignants

qui pourraient alors situer Compétences, Evaluation, Validation sur d’autres bases,

avec une curiosité et un  esprit critique 

qui permettrait la compréhension et la construction d’un nouveau rapport au savoir et aux situations d’enseignement.

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